Grâce à One Voice et, une première, l’intervention directe d’une ministre de l’Écologie en faveur d’un animal « de cirque », Micha a été sorti de son cachot et pris en charge d’urgence dans un refuge.
Il aura fallu quinze ans de lutte, et que nous révélions les conditions de détention des ours Micha, Glasha et Bony, pour que Micha soit enfin secouru. Retour sur une campagne exceptionnelle.
Voilà quinze ans que One Voice suit les Poliakov, un couple de dresseurs d’ours « de cirque » exploitant, entre autres, Micha (ours noir), Glasha et Bony (ours bruns). Mais, depuis 2017, nous ne les trouvions plus, ni dans les cirques ni dans les fêtes de village. Enfin, en février 2018, Micha fut exhibé et photographié dans un restaurant. Nous avions alors immédiatement déposé plainte, mais pour les autorités et la justice il n’y avait pas ici d’acte de cruauté et donc pas de raison de saisir les ours. L’affaire risquait d’être classée, mais nous avons persévéré…
24 heures après son arrivée au refuge, soulagé de ses douleurs par l’équipe vétérinaire, Micha avait encore des asticots aux pattes ! Sur la radio de ses poumons, la présence d’une masse noire très inquiétante…
Reproduction d’un article paru dans L’Écho Républicain le 14/09/2019.
Des geôles abominables
Déterminés, nos enquêteurs n’ont plus lâché la piste. À la rentrée, enfin, nous avons pu obtenir des images de leurs quartiers d’hiver, situés dans le Perche. Nos vidéos, tournées de nuit du 2 au 5 septembre, ont révélé le triste état de ces ours détenus, tout simplement en train de mourir, loin des regards.
Dans la propriété des Poliakov, nous avons découvert un enclos envahi de rats courant jusque dans cet horrible bâtiment en parpaings, véritable cachot moyenâgeux sans porte ni fenêtre, laissant entrer la chaleur l’été et le vent froid l’hiver. Dans les auges verdâtres, des fruits pourris et de l’eau croupie…
Enfermé là, Micha rongeait sa douleur, les pattes assaillies d’asticots. De râle en râle, il respirait péniblement. Ses yeux, comme sa truffe et sa gueule, semblaient infectés, il ne lui restait quasiment plus de dents et il portait de multiples marques sur la peau. De part et d’autre, derrière des murs percés de fenêtres grillagées, sa compagne d’infortune, Glasha, et le grand ours brun Bony, montraient eux aussi des signes de stéréotypie, ces mouvements répétitifs des animaux traumatisés par la captivité et le stress du dressage. L’un comme l’autre avaient de graves problèmes de dentition, ce qui est extrêmement préoccupant pour des ours. On discernait également des grosseurs suspectes sur leurs corps et des problèmes de vue ont été confirmés par nos experts.
Glasha léchait maladivement les barreaux, les mordait et tournait en rond dans sa geôle, sans même sortir quand la trappe ouvrant sur l’enclos était ouverte. Bony, lui, se balançait d’une patte sur l’autre, les traumatismes de l’enfermement continuant à se manifester dans l’enclos extérieur : passant devant le camion de transport du cirque, qui avait si longtemps été sa prison, il marquait un temps d’arrêt puis reprenait son balancement et ses cent pas de plus belle.
Glasha (à gauche) et Bony (à droite), voisine et voisin de cellule de Micha, sont encore aux mains des Poliakov. Nous continuons de nous battre pour eux !
Campagne dense et sérieuse
Devant ces terribles images, nous avons immédiatement déposé plainte auprès du procureur de Blois pour actes de cruauté, enrichie de différents dossiers et de premiers rapports d’experts internationaux. L’ensemble a été envoyé au ministère dans les meilleurs délais, tandis qu’en parallèle nous trouvions des places en sanctuaire pour Micha, Glasha et Bony et préparions la prise en charge de leur transfert, forts de l’expérience acquise en Inde où nous avons sauvé des centaines d’ours.
Puis nous avons travaillé sans relâche pour informer le public au plus vite et obtenir des soutiens, vos soutiens, indispensables.
Le 8 septembre, quand nous avons publié les images, nous avons découvert avec horreur que Micha avait le jour même été transporté sur des centaines de kilomètres, pour une fois encore être produit en public, en équilibre sur ses pattes infectées, souffrant le martyre.
Le ministère bouge enfin...
Après deux jours d’échanges avec le ministère, nous avons démontré que nos images, épouvantables, n’en étaient pas moins véridiques. Les métadonnées des vidéos ne mentent pas. Après deux visites vétérinaires des autorités, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, a pris une décision rapide, l’annonçant elle-même en nous répondant sur Twitter que « ces images de l’ours Micha étaient insupportables », interdisant qu’il puisse encore se produire en spectacle. La ministre a également imposé que Micha soit soigné dans les cinq jours et placé dans un refuge médicalisé s’il n’allait pas mieux passé ce délai. Une première, cette action d’un ministre pour un animal « de cirque » !
One Voice a déclenché par son action une chose absolument inédite : Madame la ministre a répondu directement sur notre compte Twitter à la campagne dénonçant les conditions abominables de détention de l’ours Micha.
Merci à la comédienne Blandine Bellavoir (Petits meurtres d’Agatha Christie, Plus belle la vie…), montée au créneau lors d’une interview au Festival de la Rochelle : « Je voudrais parler du travail remarquable mené par l’association One Voice […]. En ce moment, elle essaie de sauver trois ours, Bony, Glasha et Micha, […] aujourd’hui abandonnés par les dresseurs au fond d’une cave. […] Ils sont en train de dépérir. Je vous en parle pour leur donner un coup de main, car ces ours peuvent mourir demain. »
... Sauvetage in extremis
Dès le lendemain, le dresseur mis sous pression amena Micha dans un refuge, où celui-ci a rapidement bénéficié des premiers soins. Le refuge confirmait à son arrivée que l’état de santé de Micha était très préoccupant, qu’il souffrait intensément des pattes et des poumons. Faut-il vraiment que les animaux dits « de cirque » en arrivent là avant que les autorités n’agissent dans leur intérêt ?
Nous allons continuer à nous battre pour Bony et Glasha, comme pour tous les animaux des cirques. Il nous reste plus de 200 heures d’images à faire analyser par des experts. Quatre plaintes à ce jour ont été déposées pour les ours captifs des Poliakov, qui concernent également leurs chevaux, dromadaires, ânes, ainsi que les perroquets et Mina, la petite singe magot.
Au préfet du Loir-et-Cher, nous avons demandé de retirer aux Poliakov leurs certificats de capacité et toutes leurs autorisations. S’il ne le fait pas, nous le poursuivrons en justice. Car entre complaisance et incapacité à voir l’évidente souffrance de ces individus, les autorités ont fermé les yeux plus de quinze années. Cela suffit !
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