Sa nageoire dorsale, Inouk, fils des mers d’Islande, l’aurait droite et fièrement dressée s’il vivait libre en mer. Ce pitoyable affaissement, notamment lié à la chaleur des bassins et au stress de la captivité, résume l’effondrement physiologique des orques détenues pour le spectacle.
Nous sommes au chevet d’Inouk, orque mâle de 20 ans détenue par Marineland (06). Le delphinarium nie sa souffrance, évidente, et les autorités regardent ailleurs. Un scandale qui appelle à agir…
Le mot tragédie n’est pas trop fort. Depuis sa naissance au Marineland d’Antibes, en 1999, Inouk n’a connu que les souffrances de la captivité et il a vu disparaître un à un tous ceux qui pouvaient l’aider à résister. Ainsi son père, Kim 2, arraché très jeune aux eaux islandaises. Trop grand, trop fort, ingérable pour les spectacles, il a été maintenu à l’isolement et n’a finalement servi que de reproducteur durant sa trop brève vie. Sharkane, la mère d’Inouk, également enlevée en mer d’Islande dans sa prime jeunesse, est arrivée sous dérogation à Antibes quand les captures en eaux vives devenaient prohibées. Jamais Sharkane n’eut de comportement stable, refusant souvent de participer aux spectacles tant la détention la perturbait. Jusqu’à son décès prématuré, en 2009, quatre ans après Kim 2, ses seuls moments d’apaisement furent ceux vécus auprès de ses petits nés en captivité, Shouka, Inouk puis Wikie.
Inouk reçoit sa ration de poissons morts, conservés sur lit de glace. Tout contact de gencive meurtrie avec le froid ne peut que déclencher une forte douleur.
Une famille décimée
Parce qu’elle était adorée de ses parents, très complice avec son frère Inouk et son demi-frère Valentin, le drame de Shouka a fragilisé plus encore le petit clan familial. Née captive en 1993 (un première à Antibes), ses soigneurs n’ont jamais trouvé un régime alimentaire adapté pour ce bébé orque, si menue, et Shouka a eu faim toute sa jeunesse.
Inouk se morfond la plupart du temps dans les bassins, sauf quand il faut faire le bouffon pour quelques poissons.
Puis, dès l’âge de 9 ans, elle fut arrachée aux siens, vendue et envoyée aux États-Unis pour servir de génitrice. Hélas, elle est restée seule, sans aucune autre orque, pendant dix longues années : un supplice pour des êtres si sociaux. Ce départ de Shouka a plongé sa famille dans le désespoir : son père et sa marraine Freya ont commencé à déprimer, sa mère Sharkane, inconsolable, poussait de longs cris déchirants, son demi-frère Valentin se tapait la tête contre le bassin… Si par miracle Shouka vit toujours, ses plus proches parents restés en France sont aujourd’hui décédés… Excepté Inouk. Mais dans quel état est-il !
Impossible bonheur
Cette série de drames familiaux a fait sombrer Inouk, qui se morfond la plupart du temps dans les bassins, sauf quand il faut faire le bouffon pour quelques poissons. Certes, Wikie sa petite sœur, Moana et Keijo ses neveux (orques plus ou moins consanguines) sont encore à ses côtés. Mais le mal est fait. Depuis longtemps, Inouk manifeste les comportements répétitifs et les automutilations typiques des animaux détenus. Il a usé toute sa dentition, jusqu’à la pulpe (voir encadré), contre les parois des bassins. Ses douleurs buccales ont dégénéré en ulcères gingivaux, en régurgitations acides. On a beau le traiter, avec force médicaments, pour tenter d’éviter les infections, le mal qui le taraude semble inguérissable. Inouk n’a que 20 ans, il est à bout et file droit vers le néant…
Inouk (à gauche) et Moana à Marineland. Sans acrobaties, pas de nourriture…
Expertises et plainte
Pour le sauver, One Voice a réuni les meilleurs parrains possibles, avec enquêtes filmées, expertises par des biologistes et vétérinaires spécialisés. John Hargrove, ancien chef-dresseur à Marineland, nous a lui aussi apporté son soutien (voir encadré). Voir et entendre des orques captives lui étant trop douloureux, il ne s’est pas approché des bassins. Mais les photos récentes d’Inouk, qu’il a connu bébé, lui ont causé un choc. Le témoignage qu’il a livré sur la réalité du martyre enduré par ses ex-compagnons orques a touché les médias, ainsi que des millions de personnes via les réseaux sociaux de One Voice.
Nous demandons une autre vie pour Inouk et totues les orques captives, au ministère concerné, devant les tribunaux compétents, par voie de pétitions et de manifestations citoyennes.
Tous ces experts pointant du doigt la souffrance physique et morale d’Inouk, nous ont incités à déposer plainte au pénal pour actes de cruauté. Car on ne peut, comme le fait la direction du parc, continuer à nier l’état dégradé de cette orque (surtout quand les rapports internes auxquels nous avons eu accès y font sans cesse allusion). Il est également mensonger d’alléguer que de tels problèmes de santé sont répandus chez les orques sauvages. Inouk est malade, faible et déprimé. Si nous n’intervenons pas, il va glisser au fond de ce bassin, qui résume, en peu de mètres cubes, la tragédie des cétacés captifs au profit de cette industrie.
Mobilisation générale
Nos militants sont eux aussi venus sur place pour protester contre Marineland, mais aussi auprès d’une préfecture et d’une municipalité complices. Nous irons en justice pour porter la voix de cette orque et dénoncer son martyre, tout en préparant les solutions de son transfert vers un sanctuaire marin. Nous demandons une autre vie pour Inouk et toutes les orques captives, au ministère concerné, devant les tribunaux compétents, par voie de pétitions et de manifestations citoyennes. Animés d’une détermination infinie, à la hauteur du drame d’Inouk et de sa famille, nous aurons besoin de votre soutien pour lutter, à tous les niveaux, afin que cesse cette tragédie, non pas annoncée, mais avérée.
Cétacé à dents? Voyez vous-mêmes!
Odontocètes, le nom savant des orques et dauphins, signifie « cétacés à dents ». Inouk n’en a plus aucune. En 20 ans de détention, il les a toutes rongées contre les murs et les barreaux de ses bassins. Diverses infections et les rejets acides de son estomac – symptômes typiques du stress des orques captives – ont fait le reste.
Selon la Dre Ingrid Visser, spécialiste mondiale, Inouk est « l’orque la plus gravement atteinte de toutes celles qu’il nous a été donné d’étudier jusqu’à présent ». Pour les trois sommités signataires de notre dernier rapport scientifique sur Inouk, sa pulpe dentaire à vif lui cause forcément des douleurs buccales incessantes. Et les médicaments dont on l’abreuve ne peuvent que détériorer son système immunitaire et son comportement. Ces experts ont eu accès à des documents internes de Marineland, spécifiant qu’Inouk est souvent malade, à cause d’agressions de la part d’autres orques ou de ses infections dentaires ayant engendré d’autres maladies (candidose). À la presse locale*, Marineland affirme pourtant qu’« à ce jour, Inouk n’a aucun problème médical ».
* Var Matin, 8 mai 2019
Machoire d’Inouk (à gauche).
Mandibule (mâchoire inférieure gauche désarticulée) d’une orque femelle adulte en liberté (à droite).
Photos extraites du rapport rédigé pour One Voice en mars 2019.
John Hargrove: retour aux sources du mal
Repenti du système des delphinariums, John Hargrove est un grand témoin, remarqué dans le célèbre documentaire Blackfish. Tout jeune, il savait déjà qu’il deviendrait dresseur d’épaulards et a réussi son projet. Mais l’expérience acquise aux États-Unis, puis au Marineland d’Antibes en tant que dresseur en chef, l’a finalement amené à avouer que « les orques vivent l’enfer en captivité ». Depuis sa démission en 2012, il lutte contre la propagande des delphinariums, qui oppriment en arguant que les opprimés vont bien.
John était aux côtés de Muriel Arnal pour une visite à Marineland, le 7 mai dernier. Son premier retour sur les lieux était chargé d’appréhension et d’un amour coupable pour les captifs. « J’ai tant de souvenirs avec les orques derrière ces murs. Mais aussi des souvenirs horribles. J’ai la responsabilité de dire ce que je sais, les orques le méritent. […] Ces grands animaux qui vivent dans les océans se retrouvent dans des boîtes en béton, gavés quotidiennement de médicaments pour soigner leur dépression », affamés pour les obliger à accomplir exercices et numéros qu’ils refuseraient de faire si la faim ne les tenaillait pas.
Les Lummi, peuple en lutte pour les orques
Aux îles San Juan (État de Washington), dans cette partie d’Amérique du Nord où se tient Superpod, la conférence des spécialistes mondiaux des orques (et à laquelle Muriel Arnal participera à nouveau en 2020), vivent les Lummi. Cette tribu d’Amérindiens a intégré les orques dans sa culture depuis 12 000 ans. Aussi, quand il y a 50 ans, plusieurs bébés orques ont été capturés dans leurs eaux ancestrales, à coups de dynamite et dans une violence inouïe (photo), les Lummi sont partis sur le pied de guerre. Ils ont été aidés par Ken Balcomb (directeur du Centre de Recherche pour Cétacés, auquel One Voice est affilié) dans la mise en œuvre d’un traité de 1855, leur conférant, en échange de leur rattachement aux États-Unis, des droits sur leurs terres côtières et toutes leurs richesses, saumons et orques compris.
Les Lummi ont déjà mené un combat victorieux contre plusieurs projets fédéraux, dont l’implantation d’un gigantesque port minier qui aurait ravagé leur écosystème. Cette nation de combattants de la Terre, qui considère les orques comme des frères et sœurs, s’est fièrement dressée face aux institutions et industries américaines. Les humains ont beaucoup à apprendre de leur courage pour le respect de la vie et de l’environnement…
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