Voici Onyx, beauté et puissance au large de l’île de Vancouver. Une beauté malmenée : il y a 50 ans, des dizaines d’orques du Sud ont été capturées ici à coups de dynamite. Adultes et petits, dont Lolita, ont été envoyés dans des delphinariums, notamment au Marineland d’Antibes ! À présent, la surpêche et les barrages, qui s’ajoutent à la pollution, les tuent à petit feu.
C’est une région du monde où la famine décime les « orques résidentes du Sud », seule famille d’orques en danger d’extinction sur le globe.

Les orques résidentes du Sud sont une espèce à part entière, territoriale et ne mangeant que du poisson. La famine actuelle les tue sans pitié et dans d’atroces souffrances, les unes après les autres, sans discrimination d’âge. Le décès de Granny (photo), en 2017, n’aide pas. Cette orque matriarche de 105 ans apportait au clan sa longue expertise en recherche de nourriture.
Nous faisons campagne pour les sauver et avons tissé des liens durables avec les scientifiques du Center for Whale Research1, qui les étudie et apprend à les connaître depuis des dizaines d’années. À nouveau sur place, à la rencontre du peuple Lummi qui les considère comme leurs frères et sœurs, nous avons constaté cet été la dramatique absence des orques. Un drame écologique !
Décès sur décès
À la frontière où les États-Unis et le Canada se partagent la côte Pacifique, on ne peut qu’être transporté face au paysage magnifique du littoral, entre falaises et forêts des îles San Juan, Orca, Lopez ou Victoria. Un site habité par des pygargues à tête blanche – l’aigle américain – des phoques, des macareux, des sardines et des saumons royaux. À prendre ici la mer, l’an dernier encore, on pouvait apercevoir une ou plusieurs nageoires noires fendre l’eau, et entendre expirer les orques du Sud, remontées ensemble à la surface pour un instant fugace. Émotion devant cette beauté, hélas fragile…
Car durant des mois, les orques du Sud ont déserté la Mer des Salish, précisément là où elles ont développé cette culture qui n’appartient qu’à elles, depuis des millénaires : la sédentarité, un langage spécifique et une alimentation unique dont sont exclus les mammifères. Ces traits d’une espèce à part entière leur valent aujourd’hui d’être en danger… Depuis quelques années en effet, les barrages construits sur les plus grands fleuves des deux pays-continents empêchent les saumons royaux de retourner sur les lieux de leur naissance pour s’y reproduire. Les rares saumons achevant ce cycle de vie sont victimes de la pêche dans les lacs artificiels en amont ou de la surpêche en mer. Ils disparaissent. L’équilibre de l’océan en est bouleversé, et les orques du Sud, qui se nourrissent quasi exclusivement de ces poissons, meurent à petit feu à leur tour…
Une mer vide

Princesse Angéline, grand-mère du bébé de Tahlequah (photo), mort l’été dernier et porté par l’ensemble du clan endeuillé pendant deux semaines, vient de disparaître à son tour pré-maturément, à 42 ans à peine. Les membres de cette famille si particulière ne sont plus que 73. Ils étaient 89 en 2006.
Pour la famille des pods J, K et L (noms donnés ici à ces groupes d’orques vivant ensemble), c’est une tragédie : aucun petit n’a survécu depuis trois ans. L’été dernier, les plus jeunes du pod J, Scarlet (J50) et le bébé de Tahlequah (J35), sont mortes à quelques semaines d’intervalle, dans cette mer qui autrefois était le berceau de centaines d’entre elles. C’est ici aussi que Lolita, capturée en 1970, perdit les siens et se retrouva pour toujours exposée aux rayons agressifs du soleil, coincée au Seaquarium de Miami, désespérément seule depuis 49 ans. Cette communauté a payé le prix fort à l’industrie de la captivité et continue de payer…
Ken Balcomb, le fondateur du Center for Whale Research, qui les étudie et vit au plus près d’elles depuis 45 ans, nous confirme que l’on ne compte désormais plus que les décès… Ces orques n’ont plus le temps de dormir, encore moins de jouer. Finies les scènes de joie, de partage et d’insouciance. Toute leur existence est orientée vers la quête de nourriture, pour réprimer la faim qui les tenaille.
Lummi, frères des orques
Relégué dans un ancien marécage il y a quelques siècles, en marge de ce territoire qui fut le sien pendant plus de 4 500 ans, ce peuple de natifs américains maintient ses traditions ancestrales vivaces. Richard, le chaman, et Raynell Morris, conseillère politique, nous ont fait l’honneur de nous inviter près d’un promontoire, site funéraire sacré, à la cérémonie séculaire qu’ils organisaient pour les trois dernières disparues, portant à 73 le nombre d’orques du Sud survivantes. Quelques jours auparavant, les Lummi, peuple résilient et résistant, avaient déposé une plainte officielle pour récupérer Lolita, leur sœur orque dont ils considèrent la capture comme un vol.

Les représentants Lummi ont écouté avec bienveillance notre inquiétude concernant Inouk, prisonnier du Marineland d’Antibes, et Richard, le chaman, a géné-reusement prononcé des paroles pour lui au cœur de la cérémonie.
Émouvante cérémonie
Le rituel de la cérémonie, mêlant danses et chants sacrés, consiste en appels et remerciements à la Nature. Il est prévu de rendre sa liberté à un saumon tout juste pêché, en offrande à leur grand-mère, une ancêtre en habit noir et blanc vivant dans les profondeurs : une orque. Mais ce jour-là, aucun saumon n’a été trouvé dans toute la vaste zone où croisent de nombreux tankers, dont la présence polluante et bruyante n’augure rien de bon pour la vie sous-marine ; d’autant que les Lummi se battent également contre un projet d’oléoduc qui multiplierait par sept le trafic naval sur cette partie du globe.
Le rite funéraire s’est donc déroulé sans saumon et sans orque, preuve de l’appauvrissement de la biodiversité marine et de l’urgence à agir pour sauver cette part d’océan. Personne ne parle aux touristes du drame invisible qui se joue sous la coque des bateaux. C’est pourtant un écosystème entier qui disparaît peu à peu, et cela dans l’indifférence générale. Nous mobilisons massivement l’opinion pour aider les orques du Sud survivantes car, comme le disent les Lummi, l’humanité doit cesser de rechercher sans arrêt le profit en toute chose et écouter davantage son cœur !
1 Le Center for Whale Research (CWR, Centre pour l’étude des cétacés) est une ONG enregistrée dans l’État de Washington (États-Unis). Elle a été créée en 1985 par Kenneth Balcomb, son actuel directeur, spécialiste mondial des cétacés et pionnier de leur photo-identification. One Voice soutient le CWR dont elle est membre actif.
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